Les renards vous observent.
J’ai vécu quatre mois au Pays de Galles, à la frontière anglaise. Là bas, les champs sont des déclinaisons de verts gondolant sur les collines, séparés par des haies nouées centenaires.
Le silence est coupé par les bêlements des moutons qui foisonnent dans les environs. Souvent les vaches répondent. Les cris résonnent dans les petites vallées, parsemées de brouillard bleuté.
Assise face à la fenêtre, j’ai sculpté un renard avec un corps d’humain.
Un renard assis, avec deux grands yeux ouverts, prêts à regarder ce que je voyais. Ses mains anguleuses soutiennent son dos vouté, sa grande tête est légèrement tournée, le regard porté vers l’ailleurs. Il est assis, comme je l’ai fait pour contempler cette nature. Ils sont mon portrait : fantaisiste et animal.
Dans les mythes japonais, le renard (Kitsune) peut se métamorphoser en belle jeune femme pour séduire les hommes. Mais je préfère être un renard, il n’y a personne à séduire dans la contemplation. Il est seul ou multiple, comme je le suis intérieurement. Un dialogue solitaire, un recueil à moi-même ou encore le tumulte de mes émotions sont la représentation de leur nombre. Ils sont calmes, comme je le suis devant ce paysage malgré le bouillonnement de mes pensées.
Le corps transparent, ils laissent passer la lumière qui les entoure pour mieux se fondre dans l’ambiance mythique du monde. Leurs yeux opaques contrastent sur le verre pour appuyer leur regard. L’aspect froid du verre est réchauffé par leur posture souple et humaine. Le cuivre vient ajouter une nuance de couleur, dans leur corps gracile, d’un turquoise chimérique.
Et lorsque je quitte ma méditation, eux restent figés dans leur corps. Ils sont l’empreinte de mes moments d’accalmie. Ils restent contemplatifs face au tout, face à vous. Ils sont un miroir animal de l’homme : une espèce singulière.
Si j’étais un renard, je vous observerais.
Si j’étais un renard, je ne me transformerai pas en femme.